Sujet: I BELIEVE IN POSSIBILITY + agnès // 1968 Ven 10 Avr - 6:03
I BELIEVE IN POSSIBILITY
1968 Δ agnès g.
la foule, les bras dans les airs, les cris passionnés, qui diluent tous les autres bruits. on n'entend plus les pas irréguliers, qui se posent au sol de manière décidée. on ne sent pas la fatigue dans nos muscles. on ne se rend compte que notre voix est érailée qu'après la manifestation, une fois que sa voix de ne se mêle plus à celle des autres, qu'on se retrouve à nouveau seul, impuissant. je tiens une pancarte dans ma main droite, sur laquelle on peut lire des slogans à saveurs socialistes, tandis que l'autre forme un poing, haut dans les airs. on est fâchés, révoltés. et pourtant on espère. toutes ces protestations, ce sont des marches de l'espoir. l'espoir de gagner sa cause, de changer le monde (parce que nous, on y croit, malgré les paroles des vieux, des médias, qui rient, qui sont perplexes). alors on s'accroche à nos bouts de cartons et de tissus, nos mots sont nos seules armes. et on espère, encore, que cette quête de la paix ne finira pas dans le brouillard des gaz lacrymogènes. les manifestations, c'est important. ces marches, c'est réconfortant, d'un côté. ça me donne la certitude que je suis pas le seul avec mes idéaux. ça fait du bien de crier ce qu'on pense (ce que les autres pensent tout bas, qu'ils chuchotent dans leur esprit). alors moi, je continuer de marcher, au milieu de cette foule, des ces gens, de cette masse bien vivante et déterminée. moi je n'y crois pas aux causes perdues. si elles sont perdues, on n'a qu'à les retrouver! et c'est bien pour ça que je suis là, comme tous les autres, comme nous tous. c'est pour les retrouver et les ramener sur la carte, les causes déboussolées. d'ailleurs, aujourd'hui ça semble prometteur, on fait du bruit. moi, je crois pas qu'on puisse rester indifférent à ça. je jette un coup d'oeil autour de moi. tous crient avec la même ferveur. c'est épuisant, mais je voudrais bien que ces marches durent pour l'éternité.
Sujet: Re: I BELIEVE IN POSSIBILITY + agnès // 1968 Sam 11 Avr - 0:12
i believe in possibility
6 mai 1968 Δ KONSTANTIN V. Evidemment, j'ai répondu présente à l'appel à manifester aujourd'hui, 6 mai 1968. De toutes façons je suis là depuis le début. C'est relatif. Pour moi le début c'était il y a trois jours, lors du premier rassemblement de soutien aux étudiants de Nanterre. Trois jours qui ont paru tellement plus, qui m'ont plus appris sur moi, les autres et la société que huit mois d'université. Mais pour eux, ça a commencé il y a plusieurs mois, protestant contre la guerre au Viêt Nam. En trois jours, je n'ai presque pas dormi, passant le plus clair de mon temps avec les autres étudiants qui se sont engagé, ne vivant, ne respirant plus que pour les manifestations. Alors je crie, au milieu de tout le monde. Je crie fort, à m'en lacérer les cordes vocales, à m'en arracher les poumons. Sur ma joue, une balafre de guerre fait un pied de nez aux CRS. Ce n'est pas cet éclat de parpaing pris en pleine tête qui m'arrêtera. Depuis ce matin j'ai cette appréhension, ce sentiment d'angoisse profonde qui m'habite. Je ne peux m'empêcher de trouver cela un peu étrange, voire stupide, car après tout je n'avais même jamais entendu parler de ces individus pour qui je m'inquiète il y a quelques jours. Mais voilà, depuis 9h ce matin, Daniel et les autres camarades sont en commission disciplinaire et leur sort est plus qu'incertain. C'est donc avec cette boule au ventre que je défile dans Paris avec quelques centaines d'autres étudiants. Quelques milliers même, je ne sais pas vraiment. Aux alentours de 13 heures, nous nous arrêtons de marcher mais jamais de scander nos slogans, attendant le retour de Dany le rouge le souffle court. Soudain je le vois. Lui et les autres apparaissent et la clameur de la foule devient murmure sourd. Pendus aux lèvres de Cohn-Bendit, nous attendons qu'il dise quelque chose. Quelques mots suffisent à la cohue pour rugir à nouveau. Une vague d'enthousiasme parcourt l'assemblée alors qu'il nous urge de ne pas abandonner la lutte. L'adrénaline réveille ma torpeur et, dans un élan inespéré d'ardeur, me retourne vers le jeune homme qui se tient près de moi, m'agrippe à son col comme si ma vie en dépendait, et presse un baiser incandescent sur ses lèvres, puisant ainsi un peu plus loins dans l'ivresse du moment.
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